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s’avère un vulgaire charlatan, féru de démagogie et prêt à déposer, les uns après les autres, tous ceux de ses compagnons devenus compromettants. Mais le malheureux est puni par où il a péché. Il a conscience au fond du rôle inqualifiable que sa soif de popularité et son intérêt immédiat lui font accepter. Il justifie avec éclat cette assertion de Chamfort :

« Quand on monte sur les tréteaux, on est bien forcé d’être charlatan ; sans quoi, l’assemblée vous jette des pierres. »

Je reviens à mon Congrès de Nîmes et je m’excuse de sauter ainsi, sans la moindre apparence de logique, d’une chose à une autre. Mais il s’agit de « souvenirs ». Au fur et à mesure que ma plume grince sur le papier, ces souvenirs se dressent en tas. Tel incident entraîne l’autre à sa suite. Une anecdote en appelle une autre.

Le Congrès terminé, Perceau me dit : « Viens-tu avec nous jusqu’au Pont-du-Gard ? Nous allons déjeuner par là. »

J’acceptai volontiers. Un militant du Gard, qui devait devenir député, par la vertu des voix réactionnaires — ce qu’on appelait alors un mal élu, — le citoyen Bernard (aujourd’hui communiste) s’était chargé de nous procurer une guimbarde. On s’entassa là dedans. Il y avait Jaurès, Renaudel, Poisson, Laudier, d’autres dont les noms m’échappent. On se mit à rouler dans la poussière.

Nous descendîmes dans un petit restaurant guinguette, au bord de l’eau, et nous nous installâmes, avec un appétit d’ogre, autour d’une immense table. La friture circula et les vins du cru. Déjeuner exquis, tant par la qualité des plats que par la