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militants de Paris comme de province entraient par centaines dans les prisons de la République. Jamais on n’a autant poursuivi et condamné. Jamais on n’avait vu le délit politique fleurir avec une telle abondance[1].

On voit dans ces conditions quelle merveilleuse cible offrait le sinistre pantin.

Sembat ne le rata point. Quel réquisitoire passionné, émaillé de boutades et de traits mortels. Il est dommage, vraiment, qu’on ne l’ait pas recueilli en brochure. Cette philippique impitoyable reste un des chefs-d’œuvre du gouailleur qu’à l’occasion savait être Sembat.

Les choses, cependant, manquèrent se gâter.

Au moment où le président m’interrogea, j’oubliai complètement l’engagement que j’avais pris de demeurer bien sage et bien calme. Je fis une sortie furieuse. Je chargeai contre le capitalisme, contre les Patries bourgeoises. J’affirmai aux jurés qu’ils devaient me condamner ou m’approuver et condamner ainsi la Société que je combattais. Le dilemme était écrasant. J’ajoutai à cette belle déclaration un certain nombre de sottises grandiloquentes et je me rassis satisfait.

Derrière ses lorgnons, Sembat me lançait des regards courroucés. Ernest Lafont était dans une colère folle. Il y eut suspension d’audience. Lafont, de plus en plus exaspéré, me cria :

  1. André Morizet, aujourd’hui sénateur de la Seine, publia sur cette dictature du Premier Flic de France (ainsi l’avait-on baptisé) une brochure très documentée, maintenant introuvable : De l’Incohérence à l’Assassinat ; Sembat en avait écrit la préface.