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— Alors vous allez me défendre ?

— Moi ?… Mais, mon pauvre ami, je ne suis pas inscrit au Barreau.

— Ça n’a pas d’importance. Il y a des précédents. Est-ce que Jaurès n’a pas défendu Gérault-Richard, en simple veston ?

Sembat fourragea dans sa barbe, réfléchit un instant, puis :

— Ma foi… ça peut se faire.. Je ne demande pas mieux… Mais il faut le consentement du président des Assises. Je vais lui écrire.

Le président accepta.

En même temps que moi, le dessinateur Aristide Delannoy, trop prématurément enlevé par une cruelle maladie, était poursuivi aussi. Il avait représenté, en première page, un général avec un tablier de boucher et des bras rouges de sang. Horreur !… Il était défendu, lui, par un jeune avocat qui se nommait Ernest Lafont et qui, depuis, a fait son chemin.

Quelques jours après son acceptation, Sembat, le bon Sembat, comme devait dire plus tard Léon Daudet, venait me voir pour me faire part de ses scrupules.

— Mon cher ami, j’ai eu tort, vraiment, d’accepter. C’est stupide. Ma personnalité va donner un caractère spécial à ce procès. On va sûrement vous condamner.

— Qu’est-ce-que cela peut faire !

— Vous en parlez à votre aise. Avec moi, vous êtes certain du maximum. Je me demande si je dois…

J’eus du mal à le persuader. Il me répliquait en riant : « Vous allez m’appeler l’avocat Maximum. » Il me fallut lui promettre solennellement que je ne prononcerai pas un mot déplacé, que je me tiendrai bien sage sur mon banc, que je le laisserai mener l’affaire à son gré… Malgré tout, il demeurait inquiet.