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veille carcasse vaut-elle qu’un militant lui offre le sacrifice de sa vie ?

« Il se tuera bien tout seul.

« Lui, du moins, ne s’y est pas trompé. Il a fait preuve — on peut bien lui rendre cette justice — de plus de clairvoyance que tous ses défenseurs payés et attitrés. Il a flairé la blague. Il a demandé au Conseil des ministres de surseoir aux poursuites.

« Mais les autres ? Les autres qui se sont carrément indignés, qui ont jeté l’anathème sur la révolution, qui nous ont dénoncés à la colère des honnêtes gens ?

« Quels idiots, vraiment, quels idiots !

« Tout de même, avouez que si nous n’avons pas voulu nous offrir la peau de Clemenceau, nous nous sommes avantageusement payé sa tête. »

Ainsi se termina cette admirable plaisanterie. Mais, après bientôt vingt années, je ne puis me défendre d’un frisson désagréable en songeant que, dans la foule des lecteurs emballés, il aurait bien pu se dresser quelque maboul pour prendre la suggestion au sérieux.

Il ne faut pas trop jouer avec le feu.

Il y eut une sorte d’épilogue assez amusant à cette histoire déjà drôle. D’abord dans les rangs des purs, des « vrais de vrais » de la Révolution, des voix s’élevèrent furieuses. Comment, il ne s’agissait que d’Abdul-Hamid ! On nous accusa de « dégonflage ». Nous avions pris peur, à la dernière minute. Nous avions reculé. On nous voua au mépris des militants sincères.

Puis il y eut un autre concours. Celui de l’Œuvre qui, en ce temps-là, consistait en un pamphlet hebdomadaire, dirigé par Gustave Téry et Urbain Gohier, et menait