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qu’étant donné le ton grossier des polémiques d’extrême gauche, cette provocation au meurtre ne l’étonnait nullement.

Le vieux matou, lui-même, semblait marcher.

Qui ne marchait pas ? Un seul journaliste, le vieux Jules Lermina, qui flaira la plaisanterie, la dénonça et en appela au calme. Ses avis ne furent pas pris en considération.

Cependant la farce, qui avait débuté victorieusement, menaçait de tourner à l’aigre. Il était fortement question de poursuites et la chasse aux militants s’organisait. Nous nous réunîmes à la Santé en une sorte de conseil de guerre.

— Ça devient dangereux, dit Almereyda. On va arrêter des tas de pauvres bougres et, même quand la plaisanterie sera dévoilée, on ne les relâchera pas. Il serait absurde de continuer à fournir un prétexte à la répression.

— Finissons-en, approuva Eugène Merle. D’autant que chaque matin les réponses au concours tombent en avalanche. S’il se rencontrait seulement, dans le tas, un illuminé pour passer aux actes, nous serions jolis.

À ces derniers mots, j’eus un petit tremblement. La chose pouvait parfaitement se produire. Et, à défaut d’un Harmodius (comme dit M. Charles Maurras) la police était bien capable d’organiser un faux attentat. Ainsi la blague tournerait finalement et lugubrement contre nous.

Il fallait se hâter. Non, mais voyez-vous que Clemenceau ait eu son petit attentat ! On aurait eu beau s’expliquer, affirmer que c’était une simple rigolade, nul n’aurait osé ajouter foi à nos dires. Nous étions infailliblement enfermés dans les lacets d’un terrible complot contre la sûreté de l’État. Et je songe aujourd’hui aux conséquences lointaines. Clemenceau exécuté ne serait