Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

upérieure à une conception purement matérialiste. Le socialisme est juste et vrai, tant qu’il a trait à l’organisation de la terre. Mais si, pour cette très juste organisation de la terre, le peuple russe doit renoncer à jamais à organiser sa vie sous le ciel, il sera toujours prêt, tant qu’il restera ce qu’il est, à préférer son rêve, même obscur et mensonger, du Royaume de Dieu sur la terre.

On ne peut lui enlever ce rêve qu’en détruisant le peuple même. Ce rêve peut perdre de sa vivacité et de sa précision, sans pourtant disparaître ; car il est le rêve de toute l’humanité depuis l’occident jusqu’à l’orient, jusqu’au « Céleste Empire » chinois. En lui-même, non seulement il n’est pas un mensonge, mais peut-être est-il l’unique vérité intégrale qui nous soit révélée. En le détruisant, nous détruirions probablement le mouvement du monde, l’histoire, la vie.

C’est avec une manifestation mensongère et effrayante de cette sainte tendance, avec le tsarisme russe que lutte maintenant d’instinct la force réveillée d’une vie naissante : la révolution russe. Mais les lutteurs pour la vie se dressent encore d’instinct et sans une entière conscience. La nouvelle vérité lutte contre l’ancien mensonge ; mais la vérité nouvelle ne sait pas encore son propre nom, tandis que l’ancien mensonge sait comment il s’appelle.