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de gouvernement impérial, agissant par le dehors sur la vie économique de la nation et empêchant le développement de la conscience sociale du peuple.

Le tsarisme enveloppe politique et économie, mais est plus large qu’elles. Le peuple l’a créé de toute son âme et de toute sa chair ; il s’y est mis tout entier ; il y a exprimé toute sa foi, son besoin profond d’un bonheur céleste sur terre. Puisqu’il n’avait pas pu créer la vérité universelle, le peuple créa, en un immense élan intérieur, un mensonge aussi entier et aussi universel.

Dostoïevsky, Vladimir Soloviev, les slavophiles et les révolutionnaires, malgré leurs étonnantes divergences, se sont tous rencontrés dans le même sentiment que leur peuple produira quelque chose d’important, d’unique, et que personne encore n’a révélé. Il est fort possible que ce « peuple théophore », comme l’appelle Dostoïevsky soit en réalité porteur non d’un Dieu, mais d’un Démon. Israël, s’étant éloigné de son Dieu, tomba dans l’idolâtrie peu dangereuse des « veaux d’or ». Ces petits dieux ne lui causèrent que de passagers désagréments. Le peuple russe s’est ingénié à se créer un Dieu incarné, une idole vivante, constamment présente, non faite de la main des hommes, un Dieu à face