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société, qui ont tant d’analogie, avec les aspirations des sectes primitives, ne sont en un sens que l’épanouissement de la même idée, une des branches de cet arbre immense où germe toute pensée d’avenir, et dont le « royaume de Dieu » sera éternellement la tige et la racine. Toutes les révolutions sociales de l’humanité seront greffées sur ce mot-là. » Nulle part cette idée n’a été conçue d’une manière plus réaliste qu’en Russie, avec l’espoir si naïf de l’incarner dans sa totalité brutale, Mais, faussement interprétée dès le début et dévoyée vers l’ancien paganisme, elle a produit en se développant ce monstre unique de l’autocratie russe, La Russie l’a fait surgir du fond obscur et brûlant de son sentiment religieux. Il importe peu de savoir si les paysans ou simplement les Russes actuels ont conscience d’une telle foi, et s’ils voient dans le tsar ce qu’ils y voyaient quand il fallait les aborder « avec les aigles impériales ». Une seule chose est hors de doute : c’est que le peuple a toujours la même religiosité qu’autrefois. Si l’on admet que la religiosité, au sens le plus large et le plus profond de ce mot, est la condition indispensable et constante de la vie de tous les peuples, de toute l’humanité, de tout être humain, nous devrons reconnaître qu’au fond de la religiosité du peuple russe vit encore l’obscure foi dans le tsarisme.