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prêtre et prophète, sous un seul Roi, un seul Prêtre et un seul Prophète — le Christ. En ne réunissant pas la Royauté avec le Sacerdoce dans l'unique Incarnation, dans la même Face du Christ, mais en les séparant en deux symboles, en deux personnalités humaines, le Souverain et le Pontife, Soloviev revient à la fausse théocratie du Moyen Age, à la lutte non encore terminée du glaive spirituel avec le glaive de fer, du pape romain ou du patriarche byzantin avec le César romain ou byzantin — c’est-à-dire qu’il affirme à la fin ce qu’il a nié au début — la fusion sacrilège de l’Eglise et de l’Etat. Et quand il rêve de la réunion des Eglises, grecque et romaine, ce qui le séduit c’est la réunion de l’autocratie orthodoxe, symbole de l’Empire Universel, avec la papauté romaine, symbole du Sacerdoce Universel, comme si l’on pouvait unir deux masques morts, le Pape et César, dans la face unique et vivante du Christ, seul Roi et Pontife — unir deux mensonges dans une vérité.

Soloviev ne comprit pas assez toute l’impossibilité de faire disparaître l’antinomie de l’Etat et de l’Eglise. Il ne comprit pas non plus que le seul et réel chemin vers le Royaume, le pouvoir de Dieu est la destruction de tout pouvoir humain, c'est-à-dire la plus grande de toutes les révolutions.