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moi qui suis Dieu, affirme le héros des Démons, le nihiliste Kirilov, le prophète de l’Antéchrist-Nietszche.

« Il faut extirper de l’humanité l’idée de Dieu, dit Ivan Karamasov. — Voilà par quoi il faut commencer. L’homme s’élèvera par son âme à l’orgueil titanique et divin et c’est alors que paraîtra le Dieu-Homme. Pour Dieu il n’y a pas de loi. Où est Dieu, là est la place sainte de Dieu ; où je suis, là est la première place — et tout est permis. »

Or, bien que tous désirent cette « première place », un seul peut la prendre ; bien que tous désirent « tout se permettre », un seul peut y arriver. Rien n’est plus séduisant pour l’homme que la liberté, mais rien ne lui cause plus de tourments. L’homme aime son libre arbitre, mais craint la liberté comme la mort. Celui qui affranchira ses semblables de cette crainte et prendra sur lui le fardeau de la liberté humaine, celui-là sera le vrai Dieu-Homme, l’unique chef de « la troupe des cent millions d’enfants heureux, » le constructeur d’une nouvelle tour de Babel, d’un royaume humain et divin, unique autocrate et pontife, le contraire du Christ — l’Antéchrist. La révolution pour Dostoiewski, c’est l’apparition du « démon sage et redoutable du néant » — du démon de l’orgueil, révolté contre Dieu.