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Pour un acte révolutionnaire il condamne à la perte de la vie et, pour une pensée révolutionnaire — à la perte de la raison.

Tchaadaev écrivit l’Apologie d’un fou, dans laquelle avec une politesse blessante, qui lui était particulière, s’excusant et cherchant à écarter de lui tout soupçon de pensée révolutionnaire, il désavoua ses amis les Dékabristes. Mais, de même qu’autrefois Catherine pour Novikoff, Nicolas n’eut pas confiance en Tchaadaev. Et si ce n’est empiriquement, du moins métaphysiquement, Nicolas avait certainement raison. La soumission extérieure de Tchaadaev ressemblait trop à du mépris caché : « A vivre avec les loups, on finit par hurler comme un loup. » Il est possible qu’il condamna sincèrement l’essai révolutionnaire des Dékabristes parce qu’il lui parut prématuré et qu’il ne pouvait comprendre la vérité éternelle de leurs principes, avec les moyens de sa nature, je le répète, trop méditative. Les Dékabristes moururent enfants — Tchaadaev naquit vieillard.

Il ne fit plus rien imprimer en Russie. Ayant à peine commencé à parler, il devint muet pour toujours. Le fondateur de notre théâtre, Griboiédoff, dans sa comédie, Le malheur d'avoir trop d'esprit, a dépeint Tchaadaev dans le personnage de Tchatsky.