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prenant pas intérêt ou tout au moins ne laissant jamais voir s’il prenait intérêt à ce que firent les Dékabristes, il devait nécessairement ne pas rester indifférent à ce qu’ils auraient voulu faire. Lui-même voulait davantage.

Avec l’inflexibilité rigide de la dialectique, à laquelle il fut toujours fidèle, il alla jusqu’au bout de sa conscience religieuse et sortit de l’orthodoxie, du christianisme russe pour entrer dans le christianisme universel. S’il avait lu le Catéchisme Orthodoxe des frères Mouraviefif, il aurait compris que ce livre n’était conforme ni à l’orthodoxie, ni à l’autocratie. Le premier il comprit que la foi dans le tsar russe et la foi dans « le Dieu russe » sont deux phénomènes d’une même erreur métaphysique, si bien que la négation de l’une entraîne la négation de l’autre. Lui, le premier des « intellectuels » russes, non seulement mit en doute cette naïve vérité populaire : Qu’y a-t-il de meilleur que le Dieu russe ? — non seulement chercha, mais trouva un autre Dieu, un autre Roi.

Adveniat regnum tuum — dans ces trois mots du Pater noster se trouve toute la philosophie, toute la religion de Tchaadaev. Il les répétait sans cesse, terminait par eux tous ses ouvrages et ses lettres, toutes ses actions et ses pensées ; si bien qu’à la fin ces mots devinrent comme le souffle même