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au de l’étranger ? — lui demandèrent-ils. — Chaque fois vous êtes obligé de partir. Mais vous êtes trop connu maintenant et vous finirez par être pris, et si vous êtes pris, c’est fini. Vous feriez mieux d’attendre.

— Je passerai la nuit chez vous, nous resterons ici ; au matin je partirai.

Et ainsi jusqu’à l’aube, en restant près de la table, cet homme disait avec douleur — pour la première fois peut-être il parlait de cela — qu’il lui était impossible de rester à l’étranger, qu’il voulait être pris et « que cela soit fini ».Consciemment, intelligemment, il ne pouvait le vouloir, mais son être tout entier aspirait vers « l’expiation » comme un papillon s’approche de la flamme. Sans but, avec d’infinies difficultés, il revenait aux lieux où il avait tué avec les autres. Les autres avaient tué et ils avaient expié leur meurtre. Tandis que sur lui il y avait deux morts : la victime et le meurtrier qui avait été supplicié. — Il parlait peu, s’interrompant par de longs silences. Sa voix était âpre et pénible. Il ne voyait pas tous les angles de la pierre qui l’écrasait. — Cet homme a une femme, et des enfants, mais depuis plusieurs années il ne les a pas vus. Non seulement il n’ose point aller chez eux, car il serait pris aussitôt, mais ce serait même une imprudence que d’organiser un rendez-