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SUITE D’ESQUISSES.


LA LAIDE


Petite, à son école, elle marchait à l’aide
D’un bâton, tant étaient débiles ses genoux.
Les enfants, qui sont durs et méchants comme nous,
Riaient. Pour s’amuser ils l’appelaient : la laide.

Plus tard, le mal faiblit, mais n’eut pas de remède.
Elle se résigna sans honte ni courroux.
On l’aima ; sa fierté dit non, d’un regard doux.
Ce souvenir est tout le bien qu’elle possède.

Mère ni femme ! on n’est pas femme sans beauté !
Pâle de patience et de virginité,
Sous la lampe d’hiver qui petille et charbonne,

Dans une effusion discrète de douceur,
La laide rit heureuse à l’enfant d’une sœur,
Et personne ne songe à dire qu’elle est bonne.