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LE TRIOMPHE DU RÊVE

Une nuit, comme elle ne dormait pas malgré le chloral, elle eut soudain la vision du Livre : ces feuillets que l'on a connus, que l'on a maniés, ce ne sont plus des feuillets mais les pages d’un livre, du Livre. D’être réunis entre deux couvertures, d’être associés, organisés, voici que par leur synthèse ils ont formé un être nouveau, puissant, vivant… Vivant ? Mais non : un être mort, comme Père. Un être mort sans avoir vécu… À quoi bon ?

C’était pourtant vrai qu’elle avait éprouvé, autrefois, une soif fiévreuse de tenir entre ses doigts, devant ses yeux, cette chose particulière et presque miraculeuse : le Livre de Père. Une curiosité lui venait, dont elle avait honte. Elle imaginait bien le format, les marges, la couverture avec ses caractères gras ; elle imaginait, mais… Non, elle n’ouvrirait pas le colis !

Au matin, émergeant du sommeil bref comme d’un bain, elle se sentit plus lucide.

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