Page:Mérédac - Des histoires, 1932.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DES HISTOIRES

s’installait face à la mer, sous le badamier ; mais si le vent était trop aigre ou le ciel couvert, il s’asseyait dans la salle à manger devant la table desservie. Qu’il écrivît en plein air, d’ailleurs, ou dans la pénombre derrière les rideaux de grosse mousseline, la même joie dilatait son cœur d’ancien clerc de notaire. À noircir du papier, il retrouvait une ardeur juvénile.

Pendant ses séances en chambre, sa fille l’observait en tapinois ; elle se voyait contrainte de reconnaître que le vieux ne déménageait pas du tout et que cette fièvre de travail ne nuisait en rien à sa santé. L’aiguille en l’air ou le crochet manquant une maille, elle suivait, sur le vieux visage, l’ombre changeante des pensées : tantôt des plis barraient le front, marquant l’effort de poursuivre quelque fuyante image ; parfois un bon sourire plissait les yeux pendant que la plume animée, frémissante, semblait tirer derrière elle la main qui la

26