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être convaincus a priori. Et nous irons même plus loin en disant qu’un auteur, traduit en bon espéranto par un de ses compatriotes, a moins à souffrir de ce passage en une langue étrangère. Je m’explique.

L’incorrection des traductions en langues vivantes provient de ce que le traducteur ne possède pas également les deux langues : Ou bien il comprendra toutes les nuances de l’une et ne sera pas capable de les exprimer dans la langue étrangère ou bien il se trouvera dans l’impossibilité de les saisir et sa traduction, fût-elle aussi littéraire que possible, en souffrira. Et quand l’espéranto n’aurait qu’un seul avantage : celui de nous donner des traductions sans contre sens, cela ne suffirait-il pas à le rendre très supérieur aux autres ?

Donc l’espéranto pouvant — bien que cela ne soit pas absolument nécessaire — traduire, aussi bien, sinon mieux, les chefs-d’œuvres littéraires je ne vois plus à quelle catégorie de gens il est inutile.

Si j’avais dans l’âme quelque noirceur je pourrais retourner l’argument de M. de Gourmont et dire que l’espéranto n’est inutile que pour les badauds. Mais je me garderai d’employer cette manière de procéder envers les personnes qui jusqu’à présent ont vécu sans éprouver le besoin de se servir de la langue auxiliaire, et sont dans l’intention de