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j’ai préparé, sans le vouloir, cette œuvre mauvaise, ce que vous m’avez fait voir doit suffire à ma punition.

Les Euménides. Non, Socrate, ce n’est pas assez. Souviens-toi et regarde : vois le sort réservé à la sculpture, l’art de ta jeunesse. On répète après les philosophes qu’il est insensé d’enfermer le divin dans la pierre et le bronze, et l’on détruit, avec une fureur de bête fauve, ses chefs-d’œuvre de Polyklète, de Phidias, de Praxitèle. Pour un peuple qui a renié ses Dieux, les témoignages du génie et de la piété des ancêtres sont des remords visibles dont la présence importune. On fond les statues de métal, on brise les statues de marbre. La science et la poésie sont ensevelies aussi sous les ruines des temples. On brûle les bibliothèques, on disperse et on gratte les livres. Il ne restera rien à faire aux barbares. On les entend gronder dans les plaines du nord, prêts à fondre sur le grand empire, mais personne ne songe à la résistance. On répète après les philosophes que l’homme n’a d’autre patrie que le ciel, et on livre la terre aux plus forts. Les anciens Dieux avaient sauvé la Grèce de l’invasion des Mèdes, mais les vertus