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tent l’empire à l’encan ? Pourtant tu ne peux pas te plaindre de la docilité des peuples : ils acceptent humblement le maître que les soldats leur imposent, sans jamais songer à s’affranchir.

Socrate. Je vois bien, ô Déesses, que pour sauver la pauvre race humaine, il faudrait qu’un Dieu descendît sur la terre ; mais, telle est la folie des hommes, que peut-être ils feraient périr le juste venu pour leur enseigner la vérité.

Les Euménides. Le Dieu est descendu, Socrate, et ce n’est pas le peuple qui l’a fait mourir, ce sont les savants et les prêtres. Puis ses disciples, qui l’ont abandonné au jour du supplice, répandent sa doctrine dans l’ombre, opposant aux traditions de la Grèce une tradition étrangère, et minant sourdement la religion de l’empire, déjà frappée par les coups des philosophes, tes successeurs. Après trois siècles de travail souterrain, ta mort est vengée, Socrate : les Dieux d’Homère sont chassés de leurs temples, et, sur le piédestal de leurs statues renversées, on place un philosophe, sauvant le monde par sa doctrine. Les prêtres du Dieu nouveau vivent dans la contemplation des choses saintes, sans patrie et sans famille, étrangers aux soucis de la vie. Ils diri-