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les raisons qu’Anytos et Mélitos ont pu avoir pour t’accuser, et je n’ai dit que ce qu’ils te diront eux-mêmes. Quant aux effets de ton enseignement dans les siècles à venir, je les vois par ma science prophétique et je pourrais te les faire connaître, mais peut-être cette révélation serait-elle au-dessus de tes forces.

Socrate. Tu m’as dit que tu révélerais l’avenir à mes accusateurs. Me crois-tu donc plus faible qu’eux ? Moi aussi j’ai cru faire le bien, et si mon intelligence s’est trompée, j’aime trop la vérité, tu l’as dit toi-même, pour rester volontairement dans l’erreur.

Minos. Ainsi, Socrate, tu vas toi-même au-devant de l’expiation ?

Socrate. Tu l’as dit, Minos, j’appelle les Euménides. Ô graves Déesses, gardiennes des lois saintes, vous êtes la voix du sang répandu, et on vous nomme les imprécations. Vous êtes les remords qui flottent dans les nuits adultères, et l’on vous nomme les Érinnyes. Vous réveillez la conscience endormie, vos serpents rongent la gangrène des cœurs, vos torches éclairent les âmes ténébreuses. Vous leur montrez ce qu’elles sont et ce qu’elles auraient dû être ; l’horreur qu’elles