Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cevoir Dieu puisse vous satisfaire davantage. Si je vous dis que c’est le créateur de toutes choses, vous soutiendrez peut-être l’éternité du monde ; si je l’appelle la cause première, vous me demanderez ce que c’est qu’une cause, et où nous arrêterons-nous ? Je vous dirai donc simplement que Dieu est l’être parfait.

Lui. Vous voulez dire l’idée de la perfection, car son existence est à démontrer.

Moi. Mais la perfection implique l’existence.

Lui. Encore un sophisme de Descartes[1] ; l’antiquité avait des philosophes plus hardis et plus forts que vous. Pour eux, le bien, le parfait, est supérieur à l’être ; il est cause de tout ce qui est, mais lui-même dédaigne d’exister.

Moi. Comment peut-il donner l’existence sans la posséder ?

Lui. L’air qui vous fait vivre n’est pas vivant.

Moi. Non, mais c’est un être ; la vie n’est qu’une des formes de l’existence ; les éléments existent quoiqu’ils ne vivent pas.

  1. La preuve ontologique est de saint Anselme ; Descartes n’a fait que la reproduire. Le Diable connaît trop bien son moyen âge pour avoir pu commettre l’erreur que lui attribue ici Diderot.