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pour définir le moi : c’est un être pensant.

Lui. Pourquoi ne dites-vous pas plutôt : c’est la pensée de l’être ? Votre raison est-elle distincte de la mienne, ou une même lumière éclaire-t-elle les esprits comme une vie unique anime tous les corps ? L’intelligence vous est prêtée pour un temps, comme la force et la jeunesse, comme l’air et le soleil. Prenez-en votre part ; ce qui pense aujourd’hui en vous, pensera demain dans d’autres. Rien n’est à vous et vous n’êtes rien, que des formes changeantes et passagères, comme les vagues de l’océan, qui ont sur vous l’avantage de ne pas se croire quelque chose.

Moi. Ainsi pour vous l’individu n’existe pas ; il n’y a que le genre humain, qui est la nature, se connaissant elle-même, la conscience de Dieu ?

Lui. Ne prononcez pas ce nom, je vous prie.

Moi. Diable ! C’est vrai, j’oubliais votre étiquette, elle m’explique vos répugnances.

Lui. Non, vous vous trompez ; seulement, je n’aime pas les mots qui ne sont pas clairs ; dites-moi ce que vous entendez par celui-là ?

Moi. Nous ne sommes pas d’accord sur l’homme, je n’espère guère que ma façon de con-