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Vous croyez donc au diable ?

— Je crois à tout, il ne faut que s’entendre sur les termes ; il y a fagots et fagots.

Pensant qu’il ne me connaissait pas, je cédai, comme le sultan des mille et une nuits, au désir d’entendre incognito un jugement sur mon compte, et, m’asseyant à sa table :

Ah ! ah ! lui dis-je, voilà une brochure nouvelle ; est-ce bon ?

— Ce n’est pas ce que vous avez fait de mieux, répliqua-t-il ; il y a quelques idées justes, mais elles sont bien clair-semées.

Je fus piqué de cette critique, et surtout d’avoir manqué mon but, mais il ne me restait qu’à en prendre mon parti :

vous me connaissez donc ? lui dis-je.

Il n’eut pas la politesse de faire allusion à ma célébrité, il répondit simplement :

Je connais tout le monde.

Je cherchai quelque temps une réponse philosophique, puis je lui dis :

C’est beaucoup trop ; je me contenterais de me connaître moi-même.

Lui. Vous parlez comme les sept sages et vous n’êtes pas plus avancé qu’eux ; ce qui ne vous empêche