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convocation, sans prêtres, sans solennités. On se disperse dans le dédale des pierres funéraires, et chacun cherche ses tombes pour y déposer l’offrande de pensées et de chrysanthèmes, les dernières fleurs de l’automne.

C’est la religion des familles. Bien souvent, l’intérêt a divisé les frères ; on ne se parlait plus : chacun est venu de son côté apporter sa couronne, et devant la tombe des vieux parents on se rencontre et on se tend la main. C’est la religion des orphelins : « Viens porter un petit bouquet à ton pauvre père, qui t’aimait tant, pour lui montrer que tu ne l’as pas oublié. — Mais où est-il, mère, je ne le vois pas ? — Tu ne peux pas le voir, il est dispersé dans l’air que tu respires, mais il est toujours près de toi quand tu penses à lui. Si tu fais quelque chose de mal et si personne ne le sait, lui, il t’a vu. Il ne te grondera pas, mais tu lui as fait de la peine. Si tu es sage, il est content, il te sourit comme autrefois, te rappelles-tu ? »

— Mais ceux qui n’ont pas de tombeaux de famille, les pauvres qui ont vu enterrer leurs morts dans la fosse commune, où iront-ils porter leur offrande ? — C’est pour ceux-là qu’on