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dernière question, une dernière prière. Tu ne m’as pas demandé ma confession, je te la ferai, cependant. Oui, il y a une heure que je voudrais retrancher de ma vie, l’heure où, dans le carrefour du doute, j’ai pris la route gauche. Elle menait à des fondrières. J’ai vu le péril et j’ai pu m’arrêter ; mais je voudrais revenir à l’angle des deux routes et pouvoir encore choisir. La prière est-elle inutile devant l’irréparable, et aucun de vous ne peut-il nous rendre une heure du passé ?

Le Dieu. Tu as voulu évoquer ce souvenir, il faut le regarder en face. Tu ne parles que de tes regrets : es-tu sûr qu’il ne s’y mêle pas un remords ? Il y a quelqu’un que tu accuses, mais il y a quelqu’un qui a droit de t’accuser. Deux âmes, qui n’étaient pas du même ciel, ont traversé ta vie : l’une des deux a vengé l’autre. Le mal lui-même a sa place dans l’équilibre universel.

L’Homme. J’accepterais l’expiation, et je bénirais votre dure providence, si elle me montrait, au terme de l’épreuve, le pardon et l’oubli.

Le Dieu. Regarde ces deux ombres, dont tu sais bien les noms. Les vois-tu, l’une à ta droite,