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deux côtés de la cellule. Le premier disait :

De quoi te plains-tu ? Pour la rançon de son âme, ne consens-tu pas à souffrir ? Si l’on t’avait dit : Veux-tu acheter le salut de cette créature au prix d’une douleur muette qu’elle ne soupçonnera même pas ? Si l’on t’avait dit cela, tu aurais accepté : de quoi donc te plains-tu maintenant ? Serait-ce d’avoir été sauvé toi-même, et malgré toi ?

— Elle est venue frapper à ta porte, disait l’autre, elle t’a demandé ta protection : pourquoi lui as-tu cherché un autre asyle, pourquoi l’as-tu confiée à des mains étrangères ? Te voilà rentré dans le vide et le silence ; un éclair a traversé ta nuit, il t’en reste un souvenir que rien n’effacera, et le devoir accompli te laisse des regrets qui ressemblent singulièrement à des remords.

Il se releva et cacha sa tête dans ses deux mains : On ne m’a pas même permis de lui dire adieu ! On m’a retranché de sa vie ; on voulait la sauver ; mais moi, est-ce que je voulais la perdre ? Est-ce que je suis son mauvais ange ? Oh ! lui ouvrir les routes de l’idéal, lui faire aspirer l’air des hauteurs, l’emporter dans mon