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partout et toujours, depuis le commencement. Qu’est-ce que j’ai donc fait ? Tous ils m’accusent, ils me maudissent, mais toi, Éros, est-ce que tu les crois ?

— Non, je ne les crois pas, tu es trop belle pour être mauvaise. Quand on te regarde, c’est un éblouissement ; tu es pleine d’orages et d’éclairs. Voilà pourquoi tu fais germer sous tes pas les passions et les haines. Ce n’est pas ta faute, je le sais bien, pauvre chère enfant, mais c’est ta destinée. Si tu entrais au paradis, les anges se feraient la guerre à cause de toi. Et il ajoutait en lui-même : Oh ! je sens bien qu’elle me tuera.

Il la fit entrer dans le bateau qui remontait le Nil. Elle lui dit : Merci, Éros ; maintenant, ils ne pourront plus suivre ma trace ; je suis sauvée, merci. Et elle lui serra convulsivement les deux mains.

Elle s’assit à côté de lui, près de la proue. Je suis bien fatiguée, dit-elle, et elle s’endormit, la tête appuyée contre sa poitrine. Il sentit courir dans toutes ses veines un frisson d’angoisse et de bonheur. Il la regardait dormir, il aurait voulu la boire. Elle rêvait ; son sommeil était agité de spasmes fébriles. S’il avait pu savoir