Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit Hilarion d’une voix sourde. Quand une femme s’est trompée si tristement, elle devrait au moins s’essuyer le cœur.

Elle répondit : je l’aimais.

Alors il y eut un serpent qui s’élança sur Hilarion et lui déchira la poitrine. Il fit le signe de la croix, et tout disparut ; mais la morsure du serpent il la sentait toujours.

Il était seul dans la nuit, près de la source, et la voix plaintive de l’eau était comme le cri d’une âme déchirée. Il retourna à grands pas vers son ermitage. Quand il passait près du ruisseau, où se miraient les étoiles, il croyait voir un de ces regards qui lui avaient brûlé le cœur. Il comprit qu’il y avait entre la source et la jeune fille une relation mystérieuse. Sans doute c’était une aïade. Mais pourquoi l’avait-elle appelé de ce nom d’Éros, qu’il ne portait déjà plus quand elle était née ? Ce nom, qui signifie le désir, il l’avait quitté en renonçant au monde ; comment aurait-elle pu l’apprendre, si tout cela n’était pas un piège de l’Ennemi ? Ah ! créature funeste, née pour la perdition des saints, que me veux-tu ? Il essayait de prier et ne le pouvait pas. Il ne sentait dans son âme qu’une violente colère, con-