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prême perfection n’a pu créer le mal ; si tous les êtres vivants souffrent comme nous, c’est qu’ils ont eu leur part dans la chute ; mais alors, pourquoi n’auraient-ils pas aussi leur part dans la rédemption.

Hilarion s’assit près de la fontaine, la tête dans ses deux mains. Il entendit une voix de cristal qui disait : Éros, tu es fatigué ; veux-tu boire de l’eau de ma source ?

À ce nom d’Éros qu’il portait dans sa jeunesse, il tressaillit et leva la tête. Il vit, debout devant lui, une belle jeune fille, rose dans le reflet du soir, et couronnée de fleurs de nénuphar. De ses grands yeux noirs jaillissaient de pâles étincelles. Il reconnut ce regard : il l’avait vu une fois, quand il était jeune et qu’elle était une enfant.

Qui es-tu, demanda-t-il ?

— Je m’appelle Ondine : tu me connais bien, c’est toi qui m’as donné une âme. Hélas ! Qu’en ai-je fait ?

Elle baissa les yeux, et à travers ses longs cils deux larmes tombèrent dans la fontaine. Alors elle prit de l’eau dans ses mains qu’elle arrondit en forme de coupe, et elle présenta à boire à