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le paradis que de descendre avec tes deux yeux dans la géhenne de l’enfer.

La vie des ascètes se partageait entre le travail de la terre et les méditations pieuses. Des dattes et quelques racines suffisaient à leur nourriture. Pour arroser le petit jardin qui entourait sa cabane, Hilarion allait puiser de l’eau du ruisseau qui coulait à quelque distance, dans la partie la plus verte de l’oasis. De petites fleurs bleues parfumaient la rive, il y avait une musique dans les roseaux et çà et là un bruit joyeux de cascades dansantes, de fraîches rosées qui humectaient le gazon, et des perles mobiles sur les larges feuilles de nénuphar. Ailleurs, l’eau plus profonde prenait, sous les branches inclinées, une transparence noire qui ressemblait à un regard humain. Hilarion se sentait quelquefois troublé devant l’intimité de ce regard, et il s’éloignait sans oser se retourner. N’y aurait-il pas, sous les formes multiples de la vie universelle, des âmes, différentes des nôtres, mais ayant comme nous une intelligence qui les éclaire, avec des douleurs et des joies, et des passions qui les entraînent et une force pour résister ?

Un jour, Hilarion avait suivi le cours du