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resse qui change les hommes en bêtes, c’est la puissance redoutable et sinistre qui dégrade et asservit les âmes par l’attrait magique de la volupté. Les passions humaines sont d’irrésistibles Sirènes, dont les chants mélodieux retentissent comme une caresse des flots. Si le voyageur imprudent s’approche pour les entendre, sa barque se brise sur les écueils de la vie ; au lieu des embrassements rêvés, il sent des griffes d’oiseaux qui s’enfoncent dans sa chair ; ce qu’il prenait de loin pour des fleurs éclatantes sur une rive enchantée, c’étaient des lambeaux saignants et des ossements épars.

Dans l’arène éternelle du monde, l’homme doit lutter contre les attractions dangereuses et repousser l’humiliante servitude du désir. Heureux qui sort la couronne au front de cette lutte sans trêve, dont l’immortalité est le prix ! Heureux les martyrs qui ont conquis la palme d’or sous la dent des lions ! Mais qui peut être sûr de la victoire ? Seigneur, épargne-nous les épreuves, ne nous induis pas en tentation ! Pour celui qui sent sa faiblesse, le plus sûr est de se retirer au désert. Si ton œil droit te scandalise, arrache-le : il vaut mieux entrer borgne dans