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Mais que sert de prolonger cette agonie ? Attendons une renaissance. Aux vieux âges, dit la Poésie, je suis née dans les temples ; peut-être le monde aura-t-il quelque jour besoin d’une religion, et, pour chanter des hymnes, il faudra bien emprunter ma voix. — Si tu n’as pas d’autre espérance, répond l’Humanité, il faut te taire et mourir : j’ai, depuis longtemps, remplacé les symboles par des formules, et je suis trop vieille pour écouter des légendes.

Eh bien, dira la Poésie, la vieillesse aime les souvenirs ; je sais évoquer les ombres, et je te parlerai de ta jeunesse. Moi aussi j’aime à vivre dans le passé ; quand j’ai rêvé l’âge d’or, c’était un souvenir plutôt qu’une espérance. Je relèverai dans les vieux temples les images vénérées de nos dieux d’autrefois. Bientôt, peut-être, notre siècle prendra-t-il moins au sérieux l’apothéose qu’il se décerne si complaisamment à lui-même ; alors nous cesserons de brûler ce qu’ont adoré nos pères, nous reconnaîtrons que la Vérité est éternelle et la révélation permanente ; nous consacrerons le Panthéon de l’Église universelle, et