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vous, je ne suis pas aussi usé que vous voulez bien le dire ; dans plus d’une occasion vous ne serez pas fâché de me trouver.

Moi. Est-ce que vous êtes toujours le roi des trésors cachés ?

Lui. Auriez-vous envie de m’emprunter de l’argent ?

Moi. Vous me demanderiez mon âme en échange.

Lui. Je n’ai pas à vous la demander ; du moment que vous formez un souhait égoïste, vous êtes sujet du Diable ; s’il accomplit vos vœux, c’est pure largesse de souverain.

Moi. Eh bien, gardez vos gros sous, il ne manque pas de pauvres gens qui en ont plus besoin que moi ; je continuerai de philosopher à jeun. Votre serviteur… Non, je me trompe, je veux dire : Adieu.

Lui. Au revoir, s’il vous plaît ; j’espère bien que nous nous retrouverons.

Moi. Pourvu que ce ne soit pas dans l’éternité.

Lui. Vous voudriez bien me faire avouer qu’il y a une vie future, mais vous n’obtiendrez pas de moi une affirmation ; cherchez. Moi, je suis l’Adversaire, mon rôle est de contredire. Chaque fois que vous croirez tenir une solution, je serai là pour y jeter du noir. Je vous empêcherai bien de vous endormir dans la certitude, qui est l’inertie de l’intelligence. Cherchez toujours, je viendrai vous secouer de temps en temps. La vérité est une asymptote ; pour vous en rapprocher vous avez besoin de moi. Il ne faut pas médire du vieux serpent, vous lui devez la science du bien et du mal, et, sans la chute, il n’y aurait pas de rédemption.

Moi. Oui, le mal que vous faites tourne au bien, mais on dit que c’est malgré vous.