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Lui. Qe le mal étant réel et le bien impossible, vous avez tort de m’apeler une négacion.

Moi. Eh bien, après la descripsion qe vous venez de faire du monde, si vous prétendez y avoir travaillé, je ne vous en fais pas mon compliment.

Lui. Je ne vous demande pas de compliments, c’est vous qi m’en demandiez tout à l’eure, qand vous m’avez vu en train de lire votre ouvrage.

Moi. Si vous blessez mon amour-propre, je me vengerai sur le vôtre. Avouez qe votre importance a bien diminué, depuis le temps où vous lutiez contre les anges et où vous tentiez les saints.

Lui. Je taqine encore les filosofes, et cela m’amuse bien autant.

Moi. Vous me rapelez ce tiran à la retraite, q’une férule consolait de son sceptre perdu.

Lui. Vous avez donc la modestie de comparer les filosofes à des enfants ?

Moi. L’enfance a l’avenir.

Lui. L’avenir est le royaume des chimères ; où est votre dernier château de cartes, qe je soufle dessus ?

Moi. Ce sera une forteresse contre laqèle s’useront les vieilles grifes du mal : on la nomera le Temple de la justice et de la liberté. Nous ne la bàtirons pas dans les nuages ; nous n’imiterons pas nos pères, qi reléguaient au ciel leurs espérances : c’est la tère qi nous est confiée, nous construirons sur ses bases solides. Nous ne pourons achever notre œuvre, mais nos fils y travailleront après nous. Notre pensée vivra en eus ; et, s’il i a une autre immortalité plus active, peut-être nous sera-t-èle donée par surcroît, car le paradis de nos rèves n’est pas une oisive béatitude ; come les héros scandi-