Page:Ménard - Poèmes et Rèveries d’un paien mistique, 1895.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’impossible à Dieu qe ce qi est contradictoire. Je ne suis pas assez cartésien pour croire qe deux et deux feraient cinq s’il l’avait voulu. Puisque lui seul est parfait, son œuvre ne peut être sans défauts, elle serait son égale ; mais le mal est seulement l’absence du bien, vous n’ètes q’une négation, vous n’existez pas.

Lui. Il me semble, au contraire, qe c’est le bien qi n’existe pas, et qe le mal seul est possible et réel. La vie ne s’entretient qe par une série de meurtres, et l’ymne universel est un long cri de douleur de toutes les espèces vivantes qi s’entre-dévorent. L’ome, leur roi, les détruit toutes ; il faut des milions d’existences pour entretenir la vôtre. Qand vous ne tuez pas pour manger, vous tuez par passe-temps ou par abitude, et votre empire n’est q’un immense charnier. I ètes-vous heureux, du moins, y régnez-vous en paix ? Non, vous ne songez q’à vous déchirer les uns et les autres ; la guère, l’opression et la violence, toutes les injustices et toutes les tyranies remplissent l’istoire, et ce sera ainsi jusq’à la fin. Le mal moral, qui est votre œuvre, dépasse en orreur le mal fysiqe qui vous écrase. Contre l’un et contre l’autre, vous n’avez trouvé d’autre remède que de lâches prières, qi montent inutilement vers les indiférentes étoiles. Vous tenez à la vie que vous savez mauvaise ; vous voudriez la prolonger au delà de la tombe, et vous rèvez là-haut un monde fantastique et rempli de contradixions. Vous en retranchez la mort, condicion nécessaire de la vie, et la lute éternèle contre le mal, sans laquèle il n’i a pas de vertu.

Moi. Toujours blasfémateur et ènemi des omes ! Mais q’est-ce que vous concluez de tout cela ?