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Moi. Coment peut-il donner l’existence sans la posséder ?

Lui. L’air qi vous fait vivre n’est pas vivant.

Moi. Non, mais c’est un ètre ; la vie n’est q’une des formes de l’existence ; les éléments existent qoiq’ils ne vivent pas.

Lui. Mais les tipes n’existent pas, et tout existe en eux et par eux.

Moi. Q’est-ce q’un tipe ?

Lui. La forme génératrice, le moule où sont coulés tous les individus d’un mème genre.

Moi. Si vous n’avez rien de mieux à m’ofrir qe cette scolastiqe platoniciène, je persisterai à croire à l’existence de Dieu.

Lui. La foi est une bèle chose, mais qand on croit sans preuve, on est un mistiqe et non un filosofe.

Moi. Je ne crois pas sans preuve ; toute œuvre supose un ouvrier ; l’admirable ordonance de l’univers…

Lui. Prenez garde de vous enfèrer : vous parlez maintenant de l’ordre et de la beauté du monde, et tout à l’eure vous allez ètre obligé d’en imaginer un autre où il n’i aura ni tigres ni vipères, ni vieillesse ni maladies ; un monde revu et corrigé, où le Créateur réparera les erreurs q’il a commises dans celui-ci.

Moi. N’anticipons pas, s’il vous plaît, et laissez-moi m’enfèrer à mon aise. Vous avez une singulière façon de discuter : vous enjambez toutes les qestions, vous éludez toutes les dificultés. Mais vous avez trop beau jeu à batre en brèche mes croyances ; je ne puis vous rendre la pareille puisque je ne conais pas les vôtres.

Lui. Si je vous scandalise, jetez-moi qelqes