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servira de nous pour le guider dans la vie. N’est-ce pas à èle qe tu penseras chaqe fois qe tu doneras un conseil à cet enfant ? Quant à moi… Voyons, Pierre, laisse-moi le bercer avec ce que tu apèles mes contes de vieille fame. Ce qe je lui dirai, èle le lui aurait dit, j’en suis sûre, si tu étais parti le premier. Les fames savent parler aus enfants la seule langue q’ils puissent comprendre. Plus tard, tu lui expliqeras la loi austère du devoir, et il recevra tes leçons sans rejeter les miènes. Les premières fleurs qi ont germé sur le sol vierge de la conscience laissent un parfum qi ne s’évapore jamais. Tu sais qe tous les omes, même les meilleurs, peuvent être arêtés par le doute ds les carefours de la vie. La nuit est si noire q’on cherche au ciel une étoile. Ton fils traversera come les autres ces eures mauvaises où tout nous abandone. Ne veus-tu pas q’il puisse dire : « Ô ma bone mère, viens à mon secours ?

— À qoi bon ces prières à qi ne peut plus nous entendre ?

— En es-tu bien sûr ? Au-delà des orizons de la science, il n’est pas plus sage de nier qe d’afirmer. On doute, qelqefois on espère, puis la foi entre dans l’àme, sans q’on sache pourqoi ni coment ; l’esprit soufle où il veut. Je ne te parlerai qe pour l’enfant, et je n’espère pas changer tes idées. Si ce miracle arive, ce sera l’œuvre de cèle qi va devenir notre ange gardien. Es-tu bien sûr q’èle ne peut pas faire éclore dans ton cerveau des idées qi n’i auraient pas germé sans èle ? La mort ne brise pas les liens formés pendant la vie, et ce n’est pas toujours en vain qe l'amour prodigue les serments d’éternité.

— Avez-vous toujours eu ces croyances, bone mère ?