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VOX IN DESERTO

Les poètes ressemblent à des matelots qi, au lieu de s’ocuper de la manœuvre, chanteraient des sonets aus étoiles ; c’est pourqoi la société leur marche sur le corps, et èle a raison.


Pourtant la Poésie, jadis reine du monde intellectuel, se fait aussi umble qe possible pour conserver une petite place au soleil ; èle renonce à conduire les peuples qi ne l’écoutent plus, èle s’adresse aus individus et devient personèle. Qe me font tes passions et tes rèves ? répond le public, mes intérèts m’ocupent bien davantage. Qe ne vis-tu de ma vie ? Parle-moi d’industrie et de science, peut-ètre t’écouterai-je. Et la Poésie se fait didactique ; mais le moindre traité de fisiqe est plus savant q’un volume de tirades. Je sais q’il est de hautes régions où la filosofie, la poésie et la science se confondent, et la téorie des nébuleuses, la statiqe chimiqe des ètres organisés, ofriraient des tableaus à Lucrèce. Mais la science moderne a-t-èle trouvé des lois assez simples et assez générales pour emprunter la vois d’Empédocle ou de Parménide ?

Parlois la Poésie veut entrer dans la politiqe et s’inspirer d’événements contemporains ; èle s’introduit furtivement dans un journal, et rime des premiers-Paris qe le bourgeois parcourt pendant son déjeuner. Ce n’est pas beaucoup plus ennuyeus qe des doléances d’amant trompé ou des galanteries langoureuses à Mme A…, à la Vicomtesse de B…, à Toi, à Èle ou à ***

Mais qe sert de prolonger cet agonie ? Atendons une renaissance. Aus vieus àges, dit la Poésie, je suis née dans les temples ; peut-ètre le monde aura-t-il qelqe jour besoin d’une religion, et, pour chan-