Page:Ménard - Poèmes et Rèveries d’un paien mistique, 1895.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
BLANCHE


« J’ai passé cète nuit devant l’autel, mon père,
Et dans mon cœur le calme est enfin revenu.
J’oserai confesser devant vous, je l’espère,
Un secret jusq’ici pour vous-même inconu.
Si j’avais pu cacher à mon Juge suprème
Ce qe j’aurais voulu me cacher à moi-mème !

Sans doute cet aveu doit ètre un premier pas
Vets l’expiacion et vers le sacrifice ;
Pourtant, si jusq’au bout Dieu ne m’acorde pas
La force de subir les coups de sa justice,
Je sens bien qe jamais je ne pourai finir
Cet aveu devant vous, au grand jour, sans mourir.

— Mon enfant, dit le prètre, à la fame adultère
Jésus ne demanda q’une larme. Pourqoi
Serait-il aujourdui plus dur et plus sévère
Pour vous, pieuse et pure, et fidèle à sa loi,
Élevée au milieu de cète pais profonde,
Sous son aile, à l’abri des orages du monde ?

— Le cortège fatal de leurs tentacions
Poursuivait, répond Blanche, au fond de leurs retraites,
Les pères du désert ; les foles passions
Du monde, ses plaisirs éfémères, ses fètes,
Valent bien, pour les cœurs inqiets et troublés,
Les rèves énervants dont ces tours sont peuplés.

Pardon ! je blasfémais ces pieuses demeures.
Mes sœurs, qe Dieu bénit, sont eureuses ; toujours
Pour èles la prière emplit les chastes eures.
Un ange aussi jadis a veillé sur mes jours,
Et, la nuit, je voyais la Vierge immaculée
Qi me montrait ma place à sa cour étoilée.