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BLANCHE


« Ils ont maudit l’amour, ils ont osé nier
« Sa divine lumière et lui dire : Anatème !
« Mais qe pourait Ia vois de l’univers entier
« Contre une seule vois qi nous a dit : Je t’aime !
« Ah ! falùt-il soufrir pendant l’éternité,
« Entre l’amour et Dieu mon àme eùt ésité.

« Ils disent qe l’amour s’envole come un rève.
« Non, l’amour ne meurt pas ; à l’eure de l’adieu,
« La sainte vision du ciel au ciel s’achève.
« L’amour est éternel, infini come Dieu !
« Si tu savais ! ma vie entière est transformée !
« Mon Dieu, mon Dieu, merci ! j’aime et je suis aimée ! »

D’implacables clartés brillaient : avec terreur
Blanche en son propre cœur pouvait descendre et lire.
Cète amitié céleste ou cète impure erreur
Ce rève chaste et saint, ce monstrueus délire ;
Tout ce passé si triste et si dous, tour à tour
Adoré, puis maudit, c’était donc de l’amour ?

Come sous le tranchant d’une lame glacée,
Un frisson contracta son cœur ; pour aracher
Madelène à l’amour, sa première pensée
Avait été d’écrire, et de lui reprocher
D’immoler en un jour, làche, ingrate et frivole,
Ses plus saints souvenirs aus pieds de son idole.

Parfois èle voulait partir, l’aler chercher,
L’éclairer, la sauver, la ramener près d’èle ;
Mais c’était révéler ce q’èle eùt dù cacher,
Mème au pris du salut de sa vie éternèle,
Ou couvrir du manteau des pieuses fureurs
Ses transports insensés, ses jalouses terreurs.