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BLANCHE


Èle s’agenouillait dans les longues journées
Devant le crucifix témoin de leur adieu,
Et remontait le cours de ses jeunes anées.
Èle se revoyait, enfant, sous l’œil de Dieu,
Pour la première fois à la table bénie,
Où l’àme, vierge encore, avec Dieu comunie ;

Puis, plus grande et rèvant, dans sa mistiqe ardeur,
De saints renoncements, d’austères Thébaïdes,
Douce extase de l’àme, ascétiqe ferveur,
Longues nuits à genous sur les dales umides :
Larmes, brùlants soupirs, recueillement divin,
Qe son cœur ulcéré redemandait en vain.

Car, depuis bien longtemps, une pensée uniqe
Avait rempli sa vie : èle se demandait
De qel nom apeler cet atrait magnétiqe,
Ce charme irrésistible auqel èle cédait ;
Mais un seul mot s’ofrait, dont l’idée est un crime,
Et ses ieus se fermaient come au bord d’un abîme.

Or, un jour, un billet à Blanche fut remis.
Aussitôt q’èle en eut reconu l’écriture,
Joyeuse et palpitante, èle en baisa les plis ;
Mais, avant d’en pouvoir achever la lecture,
Èle s’évanouit au milieu des sanglots.
La lètre contenait une fleur et ces mots

« Ma sœur, je bénis Dieu : j’aime et je suis aimée !
« Ô Blanche ! puisses-tu, come moi, qelqe jour,
« Entendre, recueillie, immobile et charmée,
« Un mot dit à genous, un premier mot d’amour ;
« Livrer ta main tremblante à des lèvres ravies.
« Épuiser en un jour le boneur de deus vies !