Page:Ménard - Poèmes et Rèveries d’un paien mistique, 1895.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
BLANCHE


L’extase avait marqé d’une céleste empreinte
Ses traits calmes et dous, son front pur et rèveur.
Ses sœurs, qui l’honoraient à l’égal d’une sainte,
Enviaient son austère et brûlante ferveur.
Et cète pureté qi met une auréole
Sur le front lumineus des vierges de Fiesole.

Mais son voluptueus sourire et ses grands ieus
Noirs, languissants, voilés, par un contraste étrange,
Anonçaient q’un désir vague et mistérieus
Veillail à son insu sous les rèves de l’ange.
C’est le tipe idéal qe créa Raphaël,
Chaste et passionné, mistiqe et sensuel.

Cependant sa beauté, rève d’un autre monde,
Apelait moins l’amour qe l’adoracion.
On eùt cru, la voyant, mélancoliqe et blonde,
Se pencher vers sa sœur, à l’apparicion
Des célestes esprits qi délaissaient leur sfère,
Séduits par la beauté des filles de la tère.

Madelène était brune et pàle ; ses ieus bleus
Avaient de longs éclairs veloutés et fluides.
Qand Blanche rencontrait un regard de ces ieus,
Tout son corps frissonait sous leurs rayons umides ;
Son àme se noyait dans ce regard profond,
Et d’intimes pàleurs lui montaient vers le front.

« Madelène, dit Blanche après un long silence,
Le monde où vous alez entrer m’est inconu.
Cète enceinte muète a caché mon enfance,
Et jamais bruit umain jusq’à moi n’est venu ;
Mais le cœur est le guide et l’oracle suprème :
Je crois à vos dangers parce qe je vous aime.