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BLANCHE.



C’était un soir d’été : de grands nuages sombres
Couraient sous le ciel lourd ; pas un soufle dans l’air.
Les vieus arbres du cloître épaississaient leurs ombres ;
La monotone vois des vagues de la mer
Vers le ciel orageus s’exalait par boufées,
Come un lugubre éco de plaintes étoufées,

La cloche du couvent venait de retentir ;
Des cours et du jardin, come des irondèles
Qi regagnent le nid, començaient à sortir
Les sœurs et les enfants qi grandissent près d’èles.
Mais Blanche et Madelène, étoufant leurs sanglots,
Se tenaient par la main et regardaient les flots.

C’était un jour d’adieu pour èles : Madelène
Partait le lendemain. Èle avait dis-uit ans,
Èle était au couvent depuis deus ans à peine ;
Une intime et profonde amitié, dès ce temps,
L’avait unie à Blanche, et des eures passées
Toutes deus recueillaient les traces dispersées.

Blanche avait dis-sept ans. Les baisers maternels
Avaient été trop tôt ravis à son enfance ;
Sous des enseignements graves et solanels
Son àme avait grandi dans l’ombre et le silence.
Sa beauté, sa pàleur, la faisaient ressembler
Aus anges des vitraus q’èle aimait contempler.