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mieux que la langue abstraite des philosophes à tous les développements de la pensée des peuples. Sans que la lettre change, le sens se transforme. Le Christ a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». C’est donc dans le monde intérieur, dans l’évolution de la conscience humaine, qu’il faut chercher l’explication des symboles chrétiens, Quant on se place au point de vue du Christianisme, on doit voir dans la fable du paradis perdu ce qu’il a cru y trouver lui-même, puisqu’il se l’est appropriée en la complétant. On peut appliquer à cette fable, comme à toutes les autres fables religieuses, le mot du philosophe Salluste : « Cela n’est jamais arrivé, mais c’est éternellement vrai ». Le drame de l’Éden se déroule tous les jours sous nos yeux. L’enfant, dont la conscience n’est pas éveillée, est dans le paradis, dans les limbes de la vie morale. Il ne connaît pas sa faiblesse et, comme les animaux, il ignore qu’il est nu. Il est innocent comme eux, il n’a pas à lutter, car il ne sait pas distinguer le bien du mal. Cette science, il ne peut l’acquérir que par sa première faute, et cette première faute ne peut être qu’une désobéissance : « Pourquoi te caches-tu ? Aurais-tu mangé de ce fruit dont je t’avais défendu de manger ? » L’enfant comprend qu’il a mal fait, il sait distinguer le bien du mal. C’est une chute, car il était innocent et il ne l’est plus, mais sans la chute il n’y aurait pas de rédemption.