Page:Ménard - Du polythéisme hellénique, 1863.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

près de l’autel d’Héra, une fontaine de sang avait jailli dans le temple. Effrayés de ce prodige, les Sybarites envoyèrent consulter l’oracle de Delphes qui répondit ainsi :

« Eloigne-toi de mon trépied ; le sang qui coule de tes mains t’interdit mon seuil de pierre. Je ne te répondrai pas. Tu as tué le serviteur des Muses devant l’autel d’Héra, sans craindre la vengeance des dieux. Mais le châtiment ne se fera pas attendre, et les coupables ne l’éviteront pas, fussent-ils issus de Zeus. Il tombera sur leur tête et sur celle de leurs enfants, et les maux après les maux s’abattront sur leur maison. »

Elien ajoute que l’oracle s’accomplit peu de temps après : les Crotoniates détruisirent de fond en comble la ville de Sybaris.

Sauf un petit nombre de cas où la pythie a été assez mal inspirée, les oracles qui nous sont parvenus justifient la réputation de sagesse des sanctuaires prophétiques, et de celui de Delphes en particulier. Mais il n’y a pas lieu de faire un mérite aux prêtres de l’élévation morale qu’on trouve souvent dans les oracles, pas plus qu’on ne devrait les accuser dans le cas contraire. Ils avaient beaucoup moins d’importance en Grèce qu’on ne le croit généralement, et rien ne nous autorise à croire que les pythies aient jamais été des instruments du sacerdoce ; c’est une supposition tout gratuite des auteurs modernes. La crainte que nous avons de paraître croire à leur inspiration nous fait soupçonner injustement leur sincérité. Bien des exemples, celui de Jeanne d’Arc entre autres, nous montrent cependant