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inerte résignation. La morale grecque, fondée sur le principe de l’autonomie des forces, demandait aux oracles non pas des ordres mais des conseils. Les dieux étaient les magistrats régulateurs de la république de l’univers, l’homme apportait son concours à l’œuvre sociale de l’harmonie des choses, mais il n’abdiquait jamais son droit. Citoyen libre de la grande fédération des êtres, il voulait conformer, son action à l’action collective, et pour cela il interrogeait le conseil central du monde, le sénat des dieux.

« La route à suivre est de ce côté, répondait l’oracle ; cherche, tu trouveras.  »

Et toujours aiguisée par les énigmes prophétiques, l’intelligence humaine redoublait d’énergie. Tout dépendait de l’interprétation ; l’important est de ne plus douter ; il vaudrait mieux tirer à pile ou face, que de rester immobile comme l’âne de Buridan. A quoi servait l’oracle ? à adonner à l’homme une impulsion ou à l’avertir d’un danger, mais les dieux n’ont pas à agir pour lui.

« Marche, nous sommes là : ni hésitation ni imprudence : attention, prends garde à l’abîme ; courage, nous te tendrons la main. »

J’ai dit ailleurs ce qu’il fallait penser du prétendu fatalisme des Grecs ; une de ces erreurs historiques qui servent de thème à la vanité moderne pour s’exalter aux dépens des Anciens. D’après le principe de la pluralité des causes ; qui est la base du polythéisme, toute action résulte de deux forces : l’une dépend des dieux, ou, comme on dirait aujourd’hui, des circonstances ; c’est l’occasion, le motif : c’est celle-là que l’oracle ré-