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attendre la fin des temps pour être réuni à ses amis. La philosophie de notre époque a essayé de reprendre l’idée de la métempsycose en l’adaptant à nos connaissances astronomiques, mais ces transmigrations de planète en planète n’ont obtenu quelque faveur que dans les classes lettrées ; la métempsycose est, comme dans l’antiquité, une opinion de philosophes. Le peuple persiste à croire que ses morts sont toujours près de lui : s’il y a une religion naturelle à notre race, indépendante de toute éducation sacerdotale ou philosophique, c’est assurément celle-là.

Le peuple de Paris, qui est toujours l’initiateur moral, a, plus que tout autre peuple, la religion des morts ; c’est à Paris que s’est établi l’usage de se découvrir devant un cercueil. Chaque année le peuple va en foule aux cimetières renouveler les fleurs sur les tombes, spontanément, sans convocations officielles, sans prêtres ni cérémonies. La religion de la cité repose sur le souvenir de ceux qui sont morts pour elle : plebeiæ Deciorum animæ. Il y aura un jour des pèlerinages vers la …… où sont …… les ……, et vers la …… …… où s’élevait le …… …… Quoiqu’on ait …… sur les …… la …… des ……, il y a partout, dans les …… …… et sur les ……, des autels invisibles, là où leur …… a …… la terre qu’ils …… « Là, dit Eschyle, là ! Ici encore. Vous ne les voyez pas, mais moi je les vois. »

Le culte des morts est la religion de la famille, la seule religion qui soit accessible aux enfants. Ils ne comprennent pas les abstractions, ils ne s’élèvent pas aux idées générales, ils n’ont que des idées particulières, surtout des idées sensibles ; sous ce rapport, la plupart des hommes et presque toutes les femmes restent enfants toute leur vie. Quand on parle à un enfant d’un Dieu infini et présent partout, il ne sait ce que cela veut dire ; il répète la prière qu’on lui enseigne, parce que les enfants ont de la mémoire : un perroquet en ferait autant. Mais supposons que sa mère lui dise : « Te rappelles-tu ton grand-père, qui était si bon pour toi ? Tu ne peux plus le voir, mais il te voit, il sait tout ce que tu fais ; quand tu te conduis mal, il est triste ; quand tu te conduis bien, il est content, il te sourit comme autrefois. » L’enfant comprend, et ce souvenir éveille en lui la notion du devoir, en dehors de toute idée de récompense ou de punition. — Mais, dira-t-on, si l’on ne croit pas à la vie éternelle, doit-on donner à l’enfant une idée fausse ? — Vous ne savez pas si elle est fausse ou si elle est vraie ; mais n’y eût-il là pour vous qu’une expression mythologique, c’est la seule langue intelligible à l’enfant, chez qui l’imagination est toujours éveillée. C’est l’idée la plus simple et la plus claire qu’il puisse se faire d’une religion, c’est-à-dire d’un lien qui nous rattache, par l’affection et le devoir, à ceux qui nous entourent, et même aux amis qui ne sont plus avec nous.

Une famille est réunie pour l’anniversaire d’un grand deuil ; la place du père est vide à la table commune. « Il est toujours au milieu de nous, dit la mère ; il veille sur ceux qu’il a protégés pendant sa vie, et qui sont réunis en son nom. Qu’il maintienne entre nous tous la paix et la concorde. Prions-