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la vie sur la mort, devant cette fête joyeuse de la terre au retour de ses fleurs, l’homme ne doutait pas de sa propre immortalité ; la destinée humaine n’était pour lui qu’une forme particulière de cette loi d’oscillations et d’alternances qui fait partout succéder la mort à la vie et la vie à la mort. Au dernier acte de l’initiation, le grand, l’admirable, le parfait objet de contemplation mystique était l’épi de blé coupé en silence, germe sacré des moissons futures, gage certain des promesses divines, symbole rassurant de renaissance et d’immortalité. L’idée de la vie éternelle jaillissait spontanément de cet enseignement muet, qui pénétrait dans l’intelligence par les yeux et la persuadait bien mieux qu’une savante démonstration.

D’ailleurs la science, loin de contredire les croyances religieuses, les confirmait et les expliquait. D’après la physique des Grecs, les êtres vivants sont formés des quatre éléments, comme le monde dont ils font partie. Les éléments lourds, la terre et l’eau, composent nos corps ; la part de l’air peut être attribuée au souffle ; quant à l’âme, c’est-à-dire la force invisible qui anime nos corps, sa source ne peut être que l’éther, principe du feu, qui en raison de sa subtilité s’étend au-dessus de l’atmosphère. L’éther se manifeste dans les astres par la chaleur et la lumière, dans les âmes par la vie et l’intelligence. Les âmes sont donc de la même essence que les astres, et comme il n’est pas dans la nature du feu de tendre vers la terre, il faut croire qu’une sorte d’ivresse, le désir de s’unir aux éléments terrestres, les a portées à s’incarner. La puissance du désir se révèle dans l’attraction des sexes l’un vers l’autre : il y a là des âmes qui veulent entrer dans la vie. L’art les représente par des enfants ailés : ce sont les désirs qui voltigent autour des amants. Les âmes qui s’incarnent se soumettent par cela même aux lois nécessaires qui régissent la sphère inférieure où elles ont voulu entrer ; mais les accidents qui sont la condition de la vie, les maladies et la mort elle-même, ne sauraient changer la nature de l’âme, qui reste toujours une flamme incorruptible et impérissable, une parcelle de l’éther. Qu’elle se dégage des éléments terrestres qui l’alourdissent, qu’elle dompte le désir qui l’enchaîne à sa prison : la volupté l’a fait descendre du ciel, la douleur l’y ramènera. Affranchie, purifiée par la lutte et le sacrifice, elle remontera au séjour de la lumière, dans la sphère immobile des Dieux.

L’art reproduisait ce thème mystique de la descente et de l’ascension des âmes sous des formes toujours empruntées aux fables religieuses. Celle de Prométhée, symbole du feu céleste, est représentée sur plusieurs sarcophages. On y voit d’un côté le Titan modelant des corps humains, et à mesure qu’il les achève, Athènè, l’intelligence divine, leur donne l’âme sous l’emblème d’un papillon. Au milieu, on voit le supplice de Prométhée, image de la vie terrestre, et de l’autre côté sa délivrance par Hèraklès. L’homme est une étincelle de feu captive dans une lampe d’argile, un Dieu exilé du ciel, enchaîné par les liens de la nécessité sur le Caucase de la vie, où il est dévoré de soucis toujours renaissants ; mais l’effort des vertus