Page:Ménard - Catéchisme religieux des libres-penseurs, 1875.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 29 —

plus sévère, Dieu seul possède la véritable existence ; il est Celui qui est ; tel est le sens étymologique du nom de Jahweh en hébreu. Le monde est sa création ; il l’a tiré du néant, il l’y fera rentrer quand il voudra. Il prête l’existence à l’homme : l’homme plante sa tente pour un jour sur le sable, puis le vent balaye sa trace. Quand Dieu lui retire le souffle de vie qu’il lui avait soufflé dans les narines, l’homme, qui n’était que poussière, retourne à la poussière. Pénétré de son néant, il repousserait comme une folie la pensée orgueilleuse de son immortalité.

Quand l’heure est venue de se réunir à leur peuple, les patriarches bibliques descendent dans le schéol, dans le sommeil du tombeau. Peut-être y avait-il eu, chez les anciennes peuplades Cananéennes, quelque vague croyance à des formules magiques pouvant réveiller les morts de leur sommeil ; c’est du moins ce que ferait supposer la légende de la sorcière d’Endor : mais d’après la pure doctrine mosaïque, l’homme ne revit que dans ses descendants ; s’il obéit aux commandements de son Créateur, il sera heureux sur la terre et sa race sera bénie ; s’il désobéit, il en sera puni dans ses fils jusqu’à la quatrième génération. Cette ferme croyance à la vie collective du peuple élu se confondait pour Israël avec son unité politique et sa religion nationale et ne laissait pas de place à l’individu, pas même celle de médiateur. Il n’y a jamais eu une prière ni une fête publique pour Abraham, l’ancêtre des Hébreux, ni pour Moïse, leur législateur, ni pour David, leur roi populaire. Le culte des morts eût été un vol au Dieu unique ; c’est à lui seul que toute gloire appartient dans les siècles des siècles.

Les religions panthéistes considèrent la vie de l’homme et celle des animaux comme des formes de la vie universelle ; la croyance à la métempsycose découle naturellement de ce système. L’âme qui anime le corps d’un homme ou d’un animal n’est qu’une parcelle de la grande âme du monde ; quand une âme a quitté son corps comme un vêtement usé, elle revêt une forme nouvelle, appropriée aux aptitudes qu’elle a développées en elle dans sa vie précédente. Le Panthéisme égyptien consacrait par le dogme du jugement des morts le caractère moral de ces migrations ascendantes ou descendantes et les rattachait, sous des formes mythologiques, à l’évolution du soleil, source de toute vie et symbole de toute justice dans l’univers. L’embaumement des corps, justifié d’ailleurs, au point de vue de l’hygiène, par les débordements du Nil, préparait le retour des âmes, après une série d’épreuves, dans les corps qu’elles avaient animés, comme le soleil retourne périodiquement à ses stations dans le ciel.

Cette croyance à la résurrection des corps s’infiltra peu à peu chez les Juifs après la fondation d’Alexandrie, quand ils se trouvèrent dans un continuel contact avec les Égyptiens. Sans s’arrêter à la métempsycose, rien ne les empêchait d’admettre que Dieu, s’il le voulait, rendrait la vie aux morts comme il l’avait donnée aux vivants ; dans son amour pour son peuple, il pouvait ressusciter David, son serviteur et son messie, qui relè-