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L’homme étant un animal social, le premier instrument dont il a besoin est celui qui lui permet de communiquer avec ses semblables ; le langage est donc la plus ancienne des œuvres d’art, et c’est pour cela qu’Homère, qui définit toujours d’un mot le caractère distinctif de chaque chose, appelle l’homme Mérope, c’est-à-dire l’être au langage articulé. L’étude analytique des langues flexionnelles, les plus parfaites de toutes, y a fait reconnaître des racines exprimant des idées générales et répondant à ces qualités premières qui agissent sur nous par la sensation et qui nous permettent de distinguer les choses et de les nommer. Cette analyse nous fait en même temps comprendre la formation de la mythologie, langue naturelle de la religion. Les principes généraux qui se manifestent par les apparences sont ce que la religion appelle les Dieux. À l’origine, la mythologie ne se distingue pas des autres formes du langage ; tout ce qui agit sur l’homme est conçu comme une force analogue à la sienne et ne peut être représenté que par cette assimilation. Elle devient plus complète encore pour les Dieux quand, par l’observation de l’ordre des choses dans le temps et dans l’espace, la religion s’élève, comme chez les Grecs, de l’idée de force à l’idée de loi, car c’est dans la conscience humaine que nous trouvons le type d’une loi qui se connaît elle-même.

Le langage arrive à sa plus haute expression artistique dans la poésie, qui est la parole rhythmée, et qui, à l’origine, est toujours associée à la musique et souvent à la danse. Les autres formes de l’art se développent en même temps et s’élèvent plus ou moins haut selon le génie des races. C’est à tort qu’on a regardé l’art comme un produit de la religion ; si les premières poésies de l’Inde sont des hymnes, les premières poésies de la Grèce sont des épopées héroïques. Les hommes ont construit des habitations pour eux et leurs familles avant d’élever des temples à leurs Dieux. Les plus anciennes statues égyptiennes prouvent que les arts plastiques ont cherché à reproduire la réalité avant de s’élever à l’idéal. Ce n’est pas à ses débuts que l’art présente un caractère religieux, c’est à son apogée ; il commence et finit par la réalité : l’idéal est au sommet.

La religion a fourni à l’art ses inspirations les plus hautes, mais tous les systèmes religieux ne lui sont pas également favorables. L’Hellénisme, qui trouvait dans la beauté l’expression visible du divin, a donné à toutes les formes de l’art un magnifique élan ; la sculpture s’est élevée, en Grèce, à une hauteur qui ne sera jamais dépassée. Mais les religions sacerdotales en ont arrêté le développement, soit en l’enfermant, comme en Égypte, dans des types consacrés, soit en l’obligeant, comme dans l’Inde, à traduire des idées abstraites par des formes monstrueuses. Le Monothéisme va plus loin encore, il la proscrit absolument comme un danger d’idolâtrie. Le Christianisme lui-même a cédé plus d’une fois à des tendances iconoclastes ; sa morale ascétique a longtemps entravé l’étude de la forme humaine ; les sectes protestantes, fort attachées à la Bible, sans condamner comme les juifs et les musulmans toute représentation graphique, ont certainement arrêté l’essor de la peinture religieuse.